Noir. Vraiment noir. De bout en bout. Avec quelques fulgurances. Quelques trouées qui happent l'oeil. Déplacent la sensation. Aveugle et voyant à la fois. Spectateur otage et maître. Complètement seul face à des créatures de l'ombre. Des obscurs. Habituellement l'acteur est en pleine lumière. Surexposé. Ici il disparaît pour mieux renaître. On ne voit rien. On est assis. Et on ne verra rien. Ou presque. On apercevra. On devinera. On ne voit rien et pourtant on voit tout. L'oeil abdique. L'ouïe se substitue. S'enhardit. On écoute comme jamais. On sent. On perçoit. Ça parle. Ça bouge. Ça vit là-bas sur ce qui est, doit être la scène. C'est diablement vivant. Ils sont nombreux. Dix ? Cent ? Mille? Ou peut être deux. On ne sait pas. Ça vit en tout cas. Ça bruisse. Ça chouine. Ça chante même. Soudain s'élève une voix. Je suis à l'opéra ? Où suis-je ? Je suis face à des chercheurs, des fouineurs, des vivants qui travaillent la matière de la langue, du son et qui le font avec une hardiesse bouleversante, inquiétante. Rare. Je n'ai rien vu, il faisait noir mais j'ai tout vu il faisait clair.

Stanislas Nordey

Metteur en scène et comédien