Alors que l'opéra se caractérise plutôt par une superposition des domaines artistiques - chacun d'eux sous la houlette d'un créateur spécifique (un librettiste, un compositeur, un metteur en scène, un décorateur, un chorégraphe, etc.) - le théâtre musical contemporain repose davantage sur la pensée d'un artiste fédérateur, à l'origine même de l'œuvre, assurant ainsi une cohésion certaine autour du projet. C'est le cas indiscutablement de la pièce de Martine Venturelli Celui qui ne connaît pas l'oiseau le mange...
Ici, l'auteure, qui a fondé un groupe de recherches depuis une dizaine d’années, met en scène un spectacle à la fois théâtral (la diction parfois emphatique souligne bien la volonté de ne pas s'inscrire gratuitement en rupture avec le théâtre classique), musical (l'expression "musique des mots" prend alors tout son sens dans un traitement polyphonique du texte parfaitement réglé) et chorégraphique : la spatialisation des mots provoquée par des déplacements rapides des interprètes, souvent dans l'obscurité la plus totale, n'est pas sans évoquer la musique "acousmatique" (dont la source sonore n'est pas visible).
Cette obscurité, imposée dans une partie du spectacle, nous permet de participer à cet élan créateur puisqu'elle nous incite à imaginer la chorégraphie, la stature et les costumes des comédiens, un décor éventuel ; cette écoute active - caractéristique du théâtre brechtien - nous oblige par conséquent à réfléchir davantage à la portée politique ou sociale du texte de Martine Venturelli.

 

Pascal Pistone
 
Compositeur, pianiste et chef d'orchestre
Directeur du Département Musique de l'UFR Musique de l'Université de Bordeaux III